Chypre : une destination sûre, paisible et agréable

Publié le : 15 juin 20216 mins de lecture

Chypre est un radeau d’atterrissage privilégié au cœur de la Méditerranée, depuis les temps lointains où elle a surgi de ses eaux fertiles, en même temps qu’Aphrodite. Pendant des milliers d’années, un carrefour de vies différentes qui se rencontrent et s’entrecroisent pour laisser des cicatrices plus dans les livres d’histoire que sur son visage placide, aujourd’hui elle semble attendre, échouée, que quelqu’un de loin revienne et prenne soin d’elle.

Dès que vous sortez de l’environnement aseptique et contrôlé de l’avion, ce qui vous accueille ici, c’est la chaleur immobile et sèche de l’air nocturne, qui vous caresse doucement et toujours de la même façon. En la traversant, en empruntant les autoroutes côtières qui relient ses principales villes, c’est immédiatement l’aspect aride et rude qui frappe. Un paysage presque lunaire de ceux qui ont toujours dû faire face au soleil torride, jour après jour. Où les arbustes clairsemés, dispersés par endroits et sans ordre, ne laissent aucune trace, même du haut des satellites.

Soleil de Chypre

S’il le voulait, avec tout ce soleil, Chypre pourrait en faire ce qu’il veut. Le soleil, énergie pure, un problème uniquement pour ceux qui ne le considèrent pas comme une ressource précieuse. Et pourtant, ils ne semblent pas comprendre pleinement le pouvoir qu’ils ont entre les mains. Au contraire, nous nous protégeons du soleil : avec les épais murs de pierre des maisons des centres historiques, avec les hautes fenêtres protégées par des volets et avec les ventilateurs toujours allumés. Bien sûr, nous chauffons l’eau, mais nous n’en ressentons pas le besoin par cette chaleur. Et dire que nous pourrions éclairer la nuit, faire fonctionner les milliers de ventilateurs qui rendent l’air supportable même pendant la journée, ou même alimenter les voitures qui circulent sur les artères de communication rapide de l’île. Pourtant, sur chaque toit, il y a des réservoirs d’eau chaude solaire, mais pas l’ombre d’un photovoltaïque. Des choix partiels peut-être dictés par les gouvernements du passé, peut-être dus à des entreprises qui s’absentent, peut-être motivés par ce que l’île offre et ce qu’elle n’offre pas. Dommage dans tous les cas, nous nous reparlerons dans quelques années je suppose.

Paysage façonné par l’eau

L’eau a toujours façonné le paysage humain ici, même avant le soleil. Si aujourd’hui ce sont les citernes sur les toits des maisons, hier c’était les vallées des rivières. De là sont nés les champs cultivés de blé, de vignes et d’olives d’où sont sortis les villages, puis les châteaux, perchés sur la côte pour se défendre des bateaux prédateurs venus de loin et d’humeur à faire des raids. Une vie contrainte à la défense, entre les hommes qui arrivent de la mer et la chaleur qui vient du ciel. S’accrocher à cette rencontre quotidienne entre Poséidon et Déméter, à la fertilité de l’eau qui embrasse la terre. Aujourd’hui, la technologie des barrages a même ouvert la voie à quelques terrains de golf, presque au mépris de l’ancienne parcimonie avec laquelle l’or bleu devait être géré dans ces mêmes vallées.

Ligne verte de Chypre

Aujourd’hui, Chypre semble attendre en suspens, comme si elle se balançait sur la brise chaude du début d’après-midi, la paresseuse et l’indolente. Mais plus par la convention des autres que par son propre désir. Les Grecs et les Turcs se regardent d’un air soupçonneux derrière un mur nouvellement dessiné, le genre de mur qui, dans le passé, aurait fait rire les gens s’ils avaient vécu leur journée côte à côte. Différents ? Peut-être bien. Mais des hommes du même quartier, après tout. Les entreprises de construction attendent également, suspendues à la course pour s’emparer des tranches de terrain entourant l’autoroute afin de construire leurs maisons de rêve occidentales pour leurs clients russes, chinois ou futurs riches locaux. Qui sait ? Ici aussi, on poursuit un modèle qui semblait promettre le bien-être, mais qui semble soudain s’être échoué dans des mécanismes décidés loin d’ici, sur le continent. Des mécanismes dont ce peuple insulaire se trouve éloigné, mais qu’il a choisi d’embrasser comme tout le monde, comme une chimère. Alors encore, j’attends dans l’expectative. Des temps meilleurs viendront, si vous voulez.

Economie et loisirs

En attendant, voici des panneaux publicitaires annonçant des masters en administration des affaires, en finances et en ingénierie pétrolière qui recrutent en cours de route. Des espaces publics destinés non pas à vendre de la consommation, mais à attirer de nouveaux talents locaux ou étrangers pour peupler cette île des cerveaux qui peuvent la mener vers un avenir mondialisé. Un avenir industriel et commercial. Un avenir dont nous avons tellement entendu parler que nous aimerions voir comment il est réellement.

Et les nouvelles recrues – comme partout – relèvent le défi avec enthousiasme, heureuses d’un avenir qui s’annonce radieux. Ils dansent et courent la nuit dans les milliers de lieux à la mode d’une Chypre profane et avide de plaisirs. Manger, boire et danser comme s’il n’y avait pas de lendemain. Et profiter de cette vie suspendue à un souffle de vent chaud et sec. L’avenir est encore à venir, mais il promet d’être radieux. Comme le reflet du soleil brûlant sur l’eau de cette mare nostrum d’où le monde commence et finit ici.

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